Le féminisme oriental par une femme artiste

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Elisabeth Jerichau-Baumann (1819-1881) / Une potière égyptienne à Gizeh / 1876-1878 / huile sur toile / 92 x 114 cm / Copenhague, SMK – Statens Museum for Kunst, inv. : KMS8791

La peintre danoise Elisabeth Jerichau-Baumann (1819-1881), qui jouissait d’une forte popularité de portraitiste dans les différentes cours européennes et était très installée dans la haute société de Copenhague, a produit dans les années 1860-1870 un ensemble de toiles orientalistes qui présente des scènes de vie quotidienne, comprenant des représentations de fellahines (paysannes égyptiennes) parfois avec enfants et d’odalisques dénudées.

C’est grâce à ses deux voyages de 1869-1870 et 1874-1875 en Grèce, Turquie, Proche Orient et en Afrique du Nord, qu’elle découvre l’Orient, par le prisme des riches familles turques et égyptiennes qui lui commandèrent quelques portraits. Elle publia en 1881 et 1886 deux récits de voyage dans lesquels elle raconte ses visites des harems d’Istanbul, de Smyrne et du Caire. Les critiques européens ont souligné son style ethnographique prononcé mais il est aujourd’hui admis que les tableaux de l’artiste sont des recompositions totales qui abusent des accoutrements et des compositions improbables. Ces peintures, plébiscitées par la bourgeoisie britannique, sont au mieux pseudo-scientifiques, au pire complètement inexactes.

Ce type de représentation par une femme artiste danoise est surprenant car tranche radicalement avec ses contemporains. L’audace de composition ainsi que les couleurs chatoyantes et contrastées caractérisent cette vendeuse de pots. La technique très maîtrisée juxtapose des empâtements de peinture sur le tapis et la transparence des voiles. Avec Martinus Rørbye, elle fut la principale représentante de l’orientalisme danois du XIXesiècle. Elle privilégia les représentations féminines qui délaissent la facilité aguicheuse au profit d’un féminisme précoce : le sujet semble sûre d’elle et regarde frontalement le spectateur.

 

Pour aller plus loin :  

Thornton Lynne, La Femme dans la peinture orientaliste, Courbevoie, A.C.R., 1993.

Lewis Reina, Gendering Orientalism: Race, Femininity and Representation, Londres, Routledge, 1996.

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