Les odalisques. Un poncif de l’orientalisme

Les odalisques à charge érotique ; l’orientalisme fin-de-siècle reproduit ses poncifs

Benjamin_Constant_Odalisque
Jean-Joseph Benjamin-Constant (1845-1902) / L’odalisque allongée / vers 1870 / huile sur toile / 115 x 149 cm / Paris, collection particulière en dépôt à Paris, musée d’Orsay, inv. : DO 2011 2

Jean-Joseph Benjamin-Constant découvre l’Orient après la guerre franco-prussienne de 1870 : il abandonne ses études et voyage au Maroc pendant dix-huit mois en 1872-1873. En cette fin de siècle, la critique soulignait déjà l’absence de renouvellement de l’école des Beaux-Arts et son marasme, allant même jusqu’à annoncer que l’académisme vivait ses dernières heures. Benjamin-Constant, conscient de ce changement de goût, ambitionne de renouveler la peinture d’histoire (le « grand genre ») en proposant des tableaux orientalistes grandioses représentant des sujets historiques, des scènes de harems et de vie orientale. Avec sa toile gigantesque de 1876, représentant l’Entrée du sultan Mehmet II à Constantinople le 29 mai 1453, il décroche la médaille d’honneur, une consécration qui lui permet d’exposer au Salon officiel sans subir les sélections du jury. Il se spécialise ainsi dans les sujets orientalistes qui pourtant ne trouvaient plus grâce auprès des amateurs et ne se vendaient plus très bien ; le thème était arrivé à épuisement.

L’odalisque allongée, à la peau laiteuse et à la pose érotique, est une image conventionnelle d’un orientalisme séducteur, peu soucieux de l’authenticité. Le peintre insiste sur les effets d’une lumière artificielle éclatante faisant scintiller l’or des passementeries du tapis dans lequel se même la chevelure rousse du modèle, trouvant des échos avec les couleurs chaudes et sourdes des coussins, boiseries, tapis et autres accessoires pittoresques. La presse insista sur cette langueur orientale en évoquant la « grande impression de chaleur lourde, de paresse animale et de luxure inerte ».

Benjamin-Constant fut désigné, avec d’autres comme le peintre Gustave Guillaumet, « peintre-bimbelotier » à cause de la profusion d’objets orientaux qui peuplent les toiles peintes au retour de voyage. Ces bibelots faisaient fureur dans les intérieurs bourgeois et les ateliers d’artistes où s’entassaient un bric-à-brac oriental subtilement agencé, parfois constitué des mêmes éléments rapportés d’Orient parmi lesquels le guéridon mamelouk en bois assemblé et à décor géométrique, que Frédéric Goupil-Fesquet nommait « tabouret polygonal », petit meuble facile à transporter, accessoire bienvenu dans les tableaux, visible au premier plan, à gauche dans ce tableau..

 

Pour aller plus loin :

Bondil Nathalie (dir.), Benjamin-Constant : merveilles et mirages de l’orientalisme, cat. exp. (Toulouse, musée des Augustins-musée des Beaux-Arts, 4 octobre 2014 – 4 janvier 2015 ; Montréal, musée des Beaux-Arts, 31 janvier – 31 mai 2015), Paris, Hazan ; Montréal, musée des Beaux-Arts ; Toulouse, musée des Augustins, 2014.

Guillaumet Gustave, Tableaux algériens, Paris, Plon, Nourrit et Cie, 1891.

Goupil-Fesquet Frédéric,Voyage d’Horace Vernet en Orient, Paris, Challamel, 1843 ; Gallica : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k317008s (voir notamment p. 94 à propos du « tabouret polygonal »).

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